[Roman] L'été des masques

Je suis en cours.
J’ai peur.

Je les regarde, ces moutons. Ils bêlent en classe, ils bêlent en dehors. Je les déteste pour ce qu’ils sont : innocents et naïfs, malgré tout ce qu’ils peuvent dire ; monstrueux et ignobles, malgré tout ce qu’ils peuvent présenter.

Il y a Benji, déjà, qui a tout vu, tout entendu, qui se croit beau comme un éphèbe mais qui est puceau jusqu’au bout des ongles. Ça ne serait pas un problème s’il ne clamait haut et fort qu’il m’avait déflorée comme un prince. Il perdra surement sa virginité un de ces jours. Il ne dira surement rien car il sera amoureux. Il deviendra peut-être encore plus niais, encore plus charismatique.

Il y a Emma, fardée comme une hôtesse de l’air. Tout le monde la trouve canon, je trouve qu’elle devrait changer de pistolet à peinture. Il n’y a que les secrets honteux qu’on camoufle. Je l’imagine bien à bord d’un avion, dans cinq ans, ou sur les genoux du commandant de bord. Elle sera heureuse, c’est sûr.

Il y a Pierre. Il est toujours sage, Pierre. Un peu trop. On a envie de le remuer pour qu’il s’énerve un peu, mais il n’a pas l’air de savoir faire ça. La placidité, c’est son truc. C’est contagieux en plus. Je me sens molle rien qu’à le regarder.

Il y a Magali. Tout le monde dit qu’elle est sympa parce qu’elle est très moche. Je fais partie d’une classe agréable, qui sait quoi dire ou comment réagir en toute circonstance. Ils sont déjà un peu adultes, ça m’excède. Ils sont déjà prêts pour le monde. Ils ne se feront pas bouffer par le système. Le système, c’est eux !

Il y a Jason. Il y a Wendy. Il y a William. Il y a Meriem.
Et puis il y a Judith. Ma chère Judith.
Qu’ils aillent tous se faire foutre.